Le gouvernement entend, par son projet de réforme, faire reposer l'essentiel – quelque 90 % – de l'effort de financement supplémentaire par les seuls salariés . Il refuse obstinément d'augmenter la fiscalité au prétexte qu'augmenter les cotisations patronales hypothèquerait la compétitivité de l'économie française.
Pourtant, nous démontrons que d'autres moyens de financement existent sans que l'on ait besoin de garder de vieux travailleurs à la tâche jusques à leurs soixante-dix ans.
Tous les ans, les entreprises, les administrations, les services publics, les artisans, etc... utilisent des matières premières, des outils, des technologies, des logiciels, du temps, de l'effort humain physique et intellectuel... pour produire toutes sortes de biens et de services qui seront consommés.
L'ensemble de toutes les richesses qui sont produites sur notre territoire, hors celles nécessaires à leur production (comme par exemple le platine ou le pétrole que l'on importe), forme ce que l'on appelle le Produit Intérieur Brut.
Celui-ci peut être quantifié en valeur monétaire (par exemple environ 1 800 milliards d'euros pour l'année 2008), et, pour simplifier, tout cet argent, qui, rappelons-le encore, représente tout ce que la France a produit de richesses sur son sol, va être « distribué » entre les salaires d'un côté, et les profits de l'autre.
- Les salaires rémunèrent les employés qui apportent leur travail – intellectuel et physique – dans le processus productif.
- Les profits (ici nommés excédents bruts d'exploitation) quant à eux, doivent être séparés entre les profits non distribués qui servent entre autre à investir dans des moyens de production, et les profits distribués (dividendes versés aux actionnaires, bonus et stock- options, primes de risques).
On se rend compte qu'entre la période des Trente Glorieuses (1945-75) et les deux dernières décennies contemporaines, un glissementhors crise pétrolière conjoncturelle de quelque 4 points de PIB a été opéré entre les rémunérations du travail et du capital en faveur de ce dernier.
Celui-ci est intervenu concurremment à la politique de défiscalisation massive des entreprises et de gel des salaires en 1983. Il n'a jamais été remis en cause depuis. Rien que pour la seule année 2008, ces quatre petits pour-cent de notre PIB représentaient 72 MILLIARDS d'euros, alors même que le déficit des retraites n'est que de 6 MILLIARDS d'eurospour cette année, et, au surplus, de peut-être 12 MILLIARDS dans dix ans.
Répondons cependant à l'argument qui pourrait être opposé, selon lequel la complexification des technologies, l'augmentation de leurs coûts, l'ouverture à la concurrence internationale... exigeraient un capital productif plus performant et plus coûteux, qui justifierait l'effort en faveur des profits afin que l'investissement puisse augmenter en proportions de ces contraintes.
Cette idée est complètement laminée par le fait que le taux d'investissement a même tendance à diminuer alors même que le taux de profit augmente !!
Quant à l'argument dit « démographique », si l'accroissement de l'espérance de vie en France et l'augmentation du nombre de départs à la retraite en raison du papy-boom dégrade le ratio actifs sur inactifs, il n'est recevable qu'à productivité inchangée.
Or, depuis 1982, le PIB de la France a doublé, alors que la population française n'a augmenté que d'un cinquième (de 54 à 63 millions de personnes). Ce PIB devrait encore doubler d’ici 2050 (avec une hypothèse plus que raisonnable de croissance de la productivité de seulement 1,8 % par an).
Ainsi, un actif en 1960 produisait cinq fois moins de richesses qu'en 2010 et il y a tout lieu, dans cette hypothèse basse, de présumer sans risque de se tromper, qu'un travailleur d'aujourd'hui produit à temps de travail égal deux fois moins de richesses qu'il n'en produira en 2050.
S'il est vrai que le ratio actifs / inactifs diminuerait de 36 % d'ici à 2050 il est tout aussi vrai que dans le même temps la productivité augmenterait de 100 %!
Le problème des retraites n'est donc pas un problème démographique mais une question d'utilisation des gains de productivité et de répartition des richesses au sein de notre société.
Les mesures d'âge figurant dans la loi sur la réforme des retraites, avec le relèvement de l'âge légal de 60 à 62 ans pour ouvrir les droits et de 65 à 67 ans pour obtenir le taux plein, vont réduire drastiquement la part des retraites liquidées à taux plein.
Cela conduira inévitablement les salariés à devoir se constituer individuellement une retraite privée (pour ceux du moins qui le pourront, vu le faible niveau des salaires dont la majorité des salariés doit se contenter aujourd'hui).
Outre qu'elle sous-tend l'assassinat programmé du système collectif de répartition, réduit à la portion congrue, cette réforme vise à « gaver » toujours plus les groupes privés d'assurance complémentaire : car c'est en effet un gigantesque marché que celui de l'épargne retraite !
L'objectif de cette dite « réforme » est bien d'ouvrir le marché des retraites à la finance.
Rappelons aux salariés de l'Institut Bergonié que la caisse complémentaire CPM, à laquelle est affiliée notre établissement, est passée sous la coupe du groupe Malakof-Médéric, dont le président n'est autre que Guillaume Sarkozy. (le frère de l'autre).
Tout le discours qui consiste à dire que le problème du financement des retraites passe par une inéluctable augmentation de la durée de cotisation est spécieux, d'une malhonnêteté intellectuelle sans précédent au moins depuis les sophistes grecs , et n'a pour autre visée que d'enfumer le débat citoyen : derrière lui se cachent les gueules grand ouvertes de ceux qui bénéficient du népotisme présidentiel !